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dire inverses : tantôt c’est la simplicité qui se cache sous des apparences complexes, tantôt c’est au contraire la simplicité qui est apparente et qui dissimule des réalités extrêmement compliquées.

Quoi de plus compliqué que les mouvements troublés des planètes, quoi de plus simple que la loi de Newton ? Là, la nature, se jouant, comme disait Fresnel, des difficultés analytiques, n’emploie que des moyens simples et engendre, par leur combinaison, je ne sais quel écheveau inextricable. C’est là la simplicité cachée, celle qu’il faut découvrir.

Les exemples du contraire abondent. Dans la théorie cinétique des gaz, on envisage des molécules animées de grandes vitesses, dont les trajectoires, déformées par des chocs incessants, ont les formes les plus capricieuses, et sillonnent l’espace dans tous les sens. Le résultat observable est la loi simple de Mariotte ; chaque fait individuel était compliqué ; la loi des grands nombres a rétabli la simplicité dans la moyenne. Ici la simplicité n’est qu’apparente, et la grossièreté de nos sens nous empêche seule d’apercevoir la complexité.

Bien des phénomènes obéissent à une loi de proportionnalité ; mais pourquoi ? Parce que dans ces phénomènes il y a quelque chose qui est très petit. La loi simple observée n’est alors qu’une traduction de cette règle analytique générale, d’après laquelle l’accroissement infiniment petit d’une fonction est proportionnel à l’accroissement de la variable. Comme en réalité nos accroisse-