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clair que si le monde est gouverné par des lois, il y aura des quantités qui demeureront constantes. Comme les principes de Newton, et pour une raison analogue, le principe de la conservation de l’énergie, fondé sur l’expérience, ne pourrait plus être infirmé par elle.

Cette discussion montre qu’en passant du système classique au système énergétique, on a réalisé un progrès ; mais elle montre, en même temps, que ce progrès est insuffisant.

Une autre objection me semble encore plus grave : le principe de moindre action est applicable aux phénomènes réversibles ; mais il n’est nullement satisfaisant en ce qui concerne les phénomènes irréversibles ; la tentative de Helmholtz pour l’étendre à ce genre de phénomènes n’a pas réussi et ne pouvait réussir : sous ce rapport tout reste à faire.

L’énoncé même du principe de moindre action a quelque chose de choquant pour l’esprit. Pour se rendre d’un point à un autre, une molécule matérielle, soustraite à l’action de toute force, mais assujettie à se mouvoir sur une surface, prendra la ligne géodésique, c’est-à-dire le chemin le plus court.

Cette molécule semble connaître le point où on veut la mener, prévoir le temps qu’elle mettra à l’atteindre en suivant tel et tel chemin, et choisir ensuite le chemin le plus convenable. L’énoncé nous la présente pour ainsi dire comme un être animé et libre. Il est clair qu’il vaudrait mieux le