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Mais il ne suffit pas de constater que toutes les solutions possibles nous choquent également ; il faut analyser, pour chacune d’elles, les raisons de notre répugnance, afin de faire notre choix en connaissance de cause. On excusera donc la longue discussion qui va suivre.

Reprenons notre fiction : d’épais nuages cachent les astres aux hommes, qui ne peuvent les observer et en ignorent même l’existence ; comment ces hommes sauront-ils que la terre tourne ? Plus encore que nos ancêtres sans doute, ils regarderont le sol qui les porte comme fixe et inébranlable ; ils attendront bien plus longtemps l’avènement d’un Copernic. Mais enfin ce Copernic finirait par venir ; comment viendrait-il ?

Les mécaniciens de ce monde ne se heurteraient pas d’abord à une contradiction absolue. Dans la théorie du mouvement relatif, on envisage, en dehors des forces réelles, deux forces fictives que l’on appelle la force centrifuge ordinaire et la force centrifuge composée. Nos savants imaginaires pourraient donc tout expliquer en regardant ces deux forces comme réelles, et ils ne verraient pas là de contradiction avec le principe de l’inertie généralisé, car ces forces dépendraient, l’une des positions relatives des diverses parties du système, comme les attractions réelles, l’autre de leurs vitesses relatives, comme les frottements réels.

Bien des difficultés cependant ne tarderaient pas à éveiller leur attention ; s’ils réussissaient à réaliser un système isolé, le centre de gravité de ce