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la vitesse d’un corps ne dépend que de sa position et de celle des corps voisins ; dans le second cas, que la variation de l’accélération d’un corps ne dépend que de la position de ce corps et des corps voisins, de leurs vitesses et de leurs accélérations.

Ou bien, pour parler le langage mathématique, les équations différentielles du mouvement seraient du premier ordre dans le premier cas, et du troisième ordre dans le deuxième cas.

Modifions un peu notre fiction. Je suppose un monde analogue à notre système solaire, mais où, par un singulier hasard, les orbites de toutes les planètes soient sans excentricité et sans inclinaison. Je suppose de plus que les masses de ces planètes soient trop faibles pour que leurs perturbations mutuelles soient sensibles. Les astronomes qui habiteraient l’une de ces planètes ne manqueraient pas de conclure que l’orbite d’un astre ne peut être que circulaire et parallèle à un certain plan ; la position d’un astre à un instant donné suffirait alors pour déterminer sa vitesse et toute sa trajectoire. La loi d’inertie qu’ils adopteraient serait la première des deux lois hypothétiques dont je viens de parler.

Imaginons maintenant que ce système vienne un jour à être traversé avec une grande vitesse par un corps de grande masse, venu de constellations lointaines. Toutes les orbites seront profondément troublées. Nos astronomes ne seraient pas encore trop étonnés ; ils devineraient bien que cet astre nouveau est seul coupable de tout le mal.