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vallée, que sais-je encore ? Toutes sortes de témoignages touchants de leur fidélité. Nous visitons, d’abord, l’école des garçons, tenue par une sœur alsacienne de Ribeauvillé, la tête couverte d’une cornette blanche et le nez chaussé de grosses lunettes. Un petit garçon de neuf ans, habillé en lieutenant français, me récite un gentil compliment. C’est le jeune Vuillard, dont le père est industriel à Saint-Amarin et dont le frère aîné, engagé volontaire au 2e zouaves, vient d’être blessé pour la seconde fois aux Dardanelles.

Puis, à l’école des filles, une charmante petite nous débite, avec un souriant aplomb, la fable du Loup et de l’Agneau, « arrangée par un poilu dans les tranchées », critique mordante du militarisme allemand. Les sœurs interrogent les fillettes en français ou en allemand et leur demandent le nom français des objets qu’elles leur désignent. Celles des élèves qui se croient en mesure de répondre s’agitent, se trémoussent, lèvent la main et, chaque fois, elles sont presque toutes à la lever, avec une fierté triomphante. Elles commencent, en effet, à bien parler français. Il y a là une soixantaine de gentilles frimousses alsaciennes, de minois joyeusement éveillés. C’est un spectacle si impressionnant que je fais les réponses les plus embarrassées et les plus sottes aux compliments qui me sont adressés par ces enfants.

En quittant Saint-Amarin, où je laisse quelques milliers de francs pour secourir les pauvres de la vallée, nous allons parcourir les tranchées de seconde ligne, que l’on a creusées sur les pentes, à gauche et à droite de la Thur. Nous descendons ensuite jusqu’à Moosch, où se trouve, dans un bel hôpital neuf, une ambulance d’évacuation. Ici également, la réception qui nous est faite dépasse