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tranchant. Cela ne peut plus durer. Le Président a déjà changé de ministre de la Guerre. Il peut bien en prendre un troisième. » — « Oui, a répondu Ribot, un troisième, en attendant un quatrième. » Et Ribot ajoute : « J’ai voulu lui faire comprendre que, si ce troisième était lui, Clemenceau, cela ne pourrait pas durer davantage. Il est beaucoup trop impulsif. Il aurait tout de suite des démêlés avec Joffre. Il m’a dit qu’il était allé le voir au quartier général et qu’il l’avait trouvé trop préoccupé de n’admettre autour de lui aucune autorité ni aucune influence. »

Dans l’Homme enchaîné du 5 février, Clemenceau s’en prend d’autre part, avec une folle injustice, au cardinal Mercier, de Malines, dont il connaît depuis longtemps, dit-il, les sentiments antifrançais, et cette sortie est pour lui l’occasion de railler en outre la « charité romaine. »

Malgré ses attaques contre Millerand, ou peut-être même à cause de ces attaques, Clemenceau vient d’être nommé vice-président de la commission sénatoriale de l’armée. C’est Freycinet qui en est président, et lui-même a, paraît-il, accueilli avec quelque fraîcheur les explications du ministre. Je demande à Millerand des renseignements sur cette audition. Il reconnaît qu’il n’a pu se mettre d’accord avec la commission, qui lui proposait de créer de nouvelles unités et de renforcer nos lignes avant le printemps. « Cette demande, me dit Millerand, reposait sur une erreur. Freycinet ignore le nombre réel des hommes qui sont sur le front. Ses collègues et lui croient que le chiffre est de 1 200 000 ; il est très supérieur ; mais, par peur des indiscrétions, j’ai préféré me taire. »

Dans l’après-midi du samedi 6, je visite à Auteuil, dans une jolie maison de santé, un hôpital