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meilleurs Français, de ceux qui sont partis, il y a quelques semaines l’espérance dans l’âme, de ceux à qui l’aveugle furie des premiers combats n’a même pas laissé le temps de donner la mesure de leurs vertus militaires, je suis condamné à chercher, loin du front des armées, dans mon triste cabinet de l’Élysée, le moyen de traduire en une reconstitution ministérielle ma formule de l’union sacrée, et je me heurte à des préoccupations personnelles, à des partis pris, voire même à des intrigues politiques et à des cabales qui m’affligent et m’écœurent. Toutes sortes d’ambitions rôdent autour de M. Viviani, qui m’en fait mélancoliquement la confidence et qui me cite des candidatures aussi invraisemblables qu’éhontées. Il faut donc nous hâter. Millerand revient après une nuit de réflexion. Il a causé avec notre ami commun, Maurice Bernard. Il a eu de longues conversations avec MM. Viviani et Malvy. Tous l’ont pressé de consentir à diriger l’administration de la Guerre, comme ministre et en pleine indépendance, aux côtés de M. Messimy, qui conserverait ses attributions strictement militaires, fort réduites d’ailleurs, par le rôle stratégique du quartier général. Mais Millerand déclare de nouveau qu’il ne veut entrer au ministère de la rue Saint-Dominique que si on lui réserve les communications avec l’armée combattante. Devant cette insistance, M. Viviani et M. Augagneur, qui voient une force utile dans le sang-froid et dans la grande capacité de travail de M. Millerand, prient M. Messimy de lui céder cette partie importante de ses prérogatives. M. Augagneur, qui revient volontiers aux arguments péremptoires et qui n’a point coutume de mâcher ses mots, aborde même M. Messimy,