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effectifs ne sont pas interchangeables. Ce sont les mêmes qui marchent et veillent depuis le début des hostilités. Ce n’est qu’après des combats acharnés et corps à corps que l’ordre de repli a été donné. Ainsi, l’écrasement ne s’est pas produit. La première phase de notre tâche se termine, la deuxième commence, celle d’une concentration vers notre place forte, qu’il était d’autant plus nécessaire de rallier que ses défenses ne sont pas encore complètes. C’est un point d’appui de premier ordre. Il ne s’agit pas pour nous de nous enfermer dans un camp retranché, mais d’y reprendre haleine, je le répète, en vue d’un retour offensif. L’ordre de retraite a, dit-on, rompu la liaison avec l’aile gauche de l’armée française, mais notre liaison n’existait encore qu’à l’état de contact entre les avant-postes. Admettons cependant que nous ayons fait effort pour conserver, pour rendre plus étroit ce contact : notre armée, échelonnée sur un espace de plus de quatre-vingts kilomètres, n’avait pas assez de profondeur, assez non plus de cohésion pour opposer une barrière infranchissable à la poussée allemande. Et alors, c’eût été la débandade. De cela, ceux qui suivent les opérations doivent se rendre compte. Aussi la note du colonel Aldebert, officier d’ailleurs des plus distingués, m’a-t-elle surpris, je dirai même peiné. Elle exprime, en effet, un doute que rien dans le passé, rien dans le présent ne motive. Que la tactique suivie soit l’objet de critiques, je ne saurais m’en étonner, je ne saurais non plus m’en formaliser. Mais de là au blâme, il y a loin. La Belgique a prouvé qu’elle sait tenir ses engagements. Que la France ne doute pas d’elle. »

Le Gouvernement français juge qu’après cet