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auprès du gouvernement sur les observations du général Joffre.


Vendredi 13 mars

Pendant que M. Clemenceau me reproche, contre toute évidence, d’être l’élu de la droite et ne voit dans « l’expérience Poincaré » qu’une « tentative en faveur des intérêts religieux », son ennemi mortel M. Ernest Judet me blâme, au contraire, vertement, dans l’Éclair de ce matin, d’avoir en 1912 fait cesser les relations officieuses qu’un attaché de notre ambassade auprès du Quirinal avait, sous le ministère Caillaux de 1911, nouées avec le Vatican. D’après M. Judet, j’ai brisé rudement, sous prétexte de correction parlementaire, les faibles et utiles liens, intelligemment établis entre Paris et Rome par mon prédécesseur à la Présidence du Conseil. Rien de moins vrai. J’ai simplement mis fin à des rapports occultes et détournés, que les Chambres n’avaient jamais autorisés et qui n’étaient même pas de nature à plaire au Saint-Siège, puisqu’il s’est toujours déclaré opposé aux procédés indirects. Mais trop blanc pour les uns, trop rouge ou trop bleu pour les autres, je ne me préoccupe pas des verres à travers lesquels on me regarde, et je tâche d’aller droit devant moi sans changer de couleur.


Samedi 14 mars

Stendhal prétendait que, si l’on veut connaître un homme, il faut l’observer chaque matin, lorsqu’il part pour « la chasse au bonheur ». Voilà une chasse qu’on ne pratique guère à l’Élysée. C’est sans doute pour ce motif que les hôtes de cette maison sont si mal connus. Le bonheur : aujourd’hui encore, je n’en ai même pas aperçu l’ombre fugitive.