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imprévu d’un cabinet, au départ spontané d’un autre, à la chute brutale d’un troisième. J’ai payé la rançon de mon irresponsabilité constitutionnelle en essuyant, à maintes reprises, les reproches contradictoires de partis opposés qui voulaient, les uns et les autres, mettre à leur service exclusif mon autorité nominale. Ce n’est pas sans un continuel effort de volonté que j’ai réussi à éloigner de moi la lassitude et le découragement, parfois même la répugnance et le dégoût. En ces journées d’incertitude et d’anxiété, je n’ai eu qu’un réconfort, l’image de la France, toujours présente à mon esprit.

Les réceptions officielles du jour de l’An s’étaient froidement déroulées, suivant le cérémonial accoutumé. Le Président du Conseil, M. Gaston Doumergue, m’avait remercié, avec une simplicité souriante et cordiale, de la confiance que je témoignais à son gouvernement. Après avoir échangé avec les Présidents des Chambres les visites d’usage, j’avais retenu les ministres à déjeuner. Ils étaient ensuite restés auprès de moi, dans les salons de l’Élysée, tant à l’heure solennelle du cercle diplomatique que pendant le fastidieux défilé des corps constitués. En une brève allocution, le doyen des ambassadeurs, sir Francis Bertie, les joues plus rosés que jamais, la poitrine bien cambrée dans son costume de gala, avait, au nom de tous ses collègues, exprimé l’espoir que la paix rétablie ne serait plus troublée. Je lui avais répondu sur le même ton. « Au cours des événements qui ont, depuis de si longs mois, absorbé l’attention de l’Europe, la France, disais-je, n’a pas cessé de collaborer activement avec les autres puissances pour tenter, d’abord de prévenir,