Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans les affaires arméniennes. Il craint que le gouvernement de Saint-Pétersbourg ne se réserve là un prétexte pour entamer le partage de l’Asie Mineure et pour s’ouvrir ou se ménager la route de Constantinople. Il voudrait que, pendant un an ou dix-huit mois, des inspecteurs généraux européens fussent chargés d’étudier un plan de réformes en Arménie et que ces réformes ne fussent définitivement arrêtées qu’à la fin de cette enquête. Aujourd’hui, dit-il, on travaille sur des données incertaines. Pendant les recherches des inspecteurs, l’Europe resterait saisie de la question. On éviterait ainsi le danger d’un tête-à-tête entre la Russie et la Turquie.

À part cette brève conversation, je n’échange avec les invités, et avec M. de Schœn lui-même, que d’agréables propos de salon. Mais ma seule présence, annoncée par la presse, et prolongée volontairement assez tard dans la soirée, a une signification politique. Elle marque nettement que la France n’a dans sa manière de comprendre la paix ni réticence ni arrière-pensée2.



2. Voir Von Sarajevo bis Versailles, par M. KARL RENÉ, consul allemand et conseiller aulique.


Samedi 24 janvier

Dans la matinée, par un froid très vif, je me rends en coupé à la gare du Nord, pour y saluer la dépouille mortelle du général Picquart. Dans une grande cour bordée par les voies de garage, des places glaciales ont été réservées pour les corps constitués. Un catafalque majestueux a été dressé à l’entrée d’un pavillon à marchandises. Mon ami M. Edmond Gast, parent du général, est debout, très ému, au pied du cercueil.