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d’émettre l’emprunt qui a été si longtemps ajourné. M. Ribot donne lecture de sa déclaration ; il n’y est fait que des retouches insignifiantes ; elle est rédigée en termes précis et sobres ; elle est catégorique sur la loi militaire ; elle s’explique clairement sur les réformes fiscales et sociales ; elle est pacifique et prudente dans les questions de politique extérieure. Il semble qu’elle devrait être acclamée par toute une Chambre républicaine. Mais déjà les ministres n’ont plus leur belle confiance de la veille. Les nouvelles du Palais-Bourbon sont détestables. Pour comble de malheur, M. Ribot me dit qu’il a été souffrant hier soir après un dîner au Petit-Luxembourg, chez M. Antonin Dubost ; il n’a pas fermé l’œil de la nuit et il se sent très fatigué. M. Delcassé, un peu mieux portant, compte venir à la Chambre, mais il est encore incapable d’y prendre la parole. M. Léon Bourgeois, toujours préoccupé d’avoir pour le cabinet l’appui d’une majorité de gauche, paraît commencer lui-même à douter du succès. Je sors du Conseil avec une impression très défavorable.

L’après-midi, pendant la séance de la Chambre, je me mets à lire dans le « Salon d’argent », près de mon cabinet de travail, la fenêtre ouverte sur la roseraie, mais je retiens mal mes pensées, qui s’échappent vers le Palais-Bourbon. Des informations m’arrivent, confuses et inquiétantes. Les assaillants, MM. Puech, Dalimier, Augagneur, Marcel Sembat, ont été vigoureusement soutenus à gauche. M. Ribot, qui ne semblait pas en possession de toutes les ressources de son talent oratoire, a prononcé un discours assez bref, qui a été haché par les interruptions. À tout ce qu’il a dit de raisonnable, même sur la situation financière,