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un radical-socialiste favorable au maintien de la loi. Mais il a senti que la pensée de M. Justin Godart était celle d’un assez grand nombre de députés, liés par leurs engagements électoraux, et, en présence de cette opposition, il a craint de ne pouvoir aboutir à une entente durable. J’ignore si c’est, par aventure, cette allusion aux circonstances extérieures qui a fait momentanément croire à M. Justin Godart que la France s’était engagée envers la Russie à l’adoption du service de trois ans. Il a su depuis, de science certaine, que cet engagement n’avait jamais été pris par personne. Mais quelques semaines après cette crise ministérielle, il a, dans un article, paru prendre à son compte cette fausse nouvelle1 et Guillaume II s’est plus tard emparé de cette erreur pour la présenter, dans ses pauvres Tableaux d’histoire, comme une vérité incontestable2.

Quoi qu’il en soit, M. Viviani, irrité par les obstacles qu’il a rencontrés, me déclare qu’il renonce à sa mission. J’essaie vainement de le réconforter. « Non, me dit-il, je resterai à votre disposition pour une autre occasion. En ce moment, je vous conseille d’appeler M. Paul Deschanel ou, à son défaut, M. Delcassé. »

J’envoie un de mes officiers chez le Président de la Chambre. M. Deschanel se promène, l’heureux homme ! et c’est seulement vers cinq heures de l’après-midi qu’il est informé de mon appel et vient à l’Élysée. Il accueille assez mal mes ouvertures. Les voix qu’il a obtenues pour la Présidence n’ont, me dit-il, rien de politique. Il a enfin restitué