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Viviani est plus indiqué que lui pour la présidence du Conseil, mais il a visiblement le désir de revenir au quai d’Orsay. M. Clementel est d’avis qu’il faut réserver M. Delcassé et former un cabinet Viviani. M. Jean Dupuy est du même sentiment. Il ne juge même pas qu’il me soit possible, sans me découvrir, de faire actuellement un autre choix. Il n’y a pas de crise proprement dite. C’est volontairement que le cabinet s’est retiré. Il est donc tout naturel que je choisisse le président parmi les ministres démissionnaires. M. Georges Cochery, rempli de bonnes intentions, ne m’apporte que de vagues conseils. M. Aimond, rapporteur général du budget au Sénat, est convaincu, comme M. Peytral, que le projet d’impôt sur le revenu sera accepté au Luxembourg. Après avoir recueilli toutes ces opinions, je fais revenir M. Viviani ; je m’assure qu’il n’emploiera pas, sur la loi militaire, de formules indécises ou obscures, et je le charge de former un cabinet. Suivant l’usage, il me demande quelques heures « pour consulter ses amis ».

Le jeudi matin 4 juin, M. Viviani est forcé d’interrompre son enquête politique pour se rendre, comme moi, aux obsèques de Henry Roujon, secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, qui vient de s’éteindre dans son appartement de l’Institut, après une longue maladie, dont il a trop négligé de se soigner. Roujon et Révoil, deux intelligences d’élite, deux âmes exquises, deux délicieux amis, qui me quittent l’un après l’autre, mais qui ne mourront jamais dans mon cœur.

Vers trois heures de l’après-midi, M. Viviani me rend compte de ses premières négociations. MM. Clemenceau et Léon Bourgeois lui ont recommandé