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nomme pas, lequel les a communiqués à M. Calmette. L’ancien ministre des Finances désirerait que je pusse déposer une seconde fois à l’instruction du procès criminel, pour affirmer qu’il n’y a rien, dans les télégrammes déchiffrés, qui porte atteinte à son honneur ou à son patriotisme. Il demande que, tout au moins, je le laisse déclarer lui-même que telle est, à sa connaissance, mon appréciation. Je lui fais remarquer que j’ai déjà défendu à la tribune en 1912. sa conduite de 1911 et qu’il a toute liberté de citer mes paroles ; mais j’ajoute qu’il pourrait être fort grave, du point de vue international, que le Président de la République fût appelé à s’expliquer publiquement sur des déchiffrements de télégrammes étrangers. Il n’en disconvient pas. Il se rabat sur l’idée, non moins dangereuse, de demander sur le même sujet le témoignage de M. Doumergue. Il perd peu à peu son sang-froid et s’écrie que, s’il n’obtient pas du gouvernement ou de moi l’attestation qu’il désire, il se verra dans l’obligation de révéler à l’audience le texte même des télégrammes allemands. Je lui réponds qu’il sait bien qu’à cette publication il ne trouverait aucun avantage.

M. Doumergue, qui vient causer avec moi le lendemain et à qui je fais part de ma conversation avec M. Caillaux, est nettement d’avis que je ne puis laisser personne invoquer sur ce point mon témoignage, et il est lui-même résolu à refuser le sien sur un sujet aussi dangereux que celui des « verts ». Au cours de notre entretien, il me donne de nouveau à entendre qu’il me remettra sa démission avant la constitution de la nouvelle Chambre. Je le prie instamment de n’en rien faire et, en tout cas, de m’en reparler. Mais il paraît un peu découragé