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dienne m’apporte des télégrammes à lire, des dossiers à parcourir, des paquets de pièces à signer, mais aucun ministre ne vient conférer avec moi.

Les élections, surtout après le second tour, sont favorables aux gauches avancées et particulièrement aux socialistes, qui seront au nombre de 102 dans la Chambre nouvelle. Je rentre à Paris le 15 mai. Des journaux surexcités par la bataille m’adressent sans ménagements des reproches contradictoires. Les feuilles réactionnaires blâment vertement ma neutralité et affectent de ne pas comprendre pourquoi je ne suis pas intervenu, de toute mon autorité nominale, pour décider le ministre de l’Intérieur et le gouvernement tout entier à exercer sur la consultation du pays une influence modératrice. M. Clemenceau triomphe. Il chante dans l’Homme libre la défaite de « M. Briand et de ses alliés de droite ». Il me représente ballotté entre Charlotte et Mathurine. Il me consacre chaque matin deux longues colonnes d’ironie amère et condensée. Je ne puis répondre à personne. J’ai les mains liées et la bouche muette. Charmant apanage de ma dignité présidentielle : je dois rester impassible et considérer, dans un sombre silence, ceux qui agissent et qui parlent.

Le Conseil des ministres reprend le samedi 16 mai, au Palais de l’Élysée, ses séances interrompues. M. Malvy, le jeune et ardent ministre de l’Intérieur, se félicite des élections radicales et communique à ses collègues du cabinet la statistique officielle des résultats. M. Noulens, ministre de la Guerre, vient causer avec moi après le Conseil. Il est inquiet des promesses téméraires qu’ont faites beaucoup de candidats à propos du service militaire de trois ans ; il est résolu à défendre la loi