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de l’après-midi, Mme Poincaré et moi, nous nous rendons à l’ambassade d’Angleterre, où le Roi et la Reine ont déjeuné dans l’intimité et nous attendent. Le Roi est en tenue de Field Marshal de l’armée britannique, chapeau à plumes blanches et tunique rouge. Je monte avec lui dans un landau de gala, tiré par trois attelages d’artillerie ; Mme Poincaré accompagne la Reine Mary dans une calèche attelée de six chevaux gris pommelé, que montent des postillons, veste bleue, culotte jaune, perruque poudrée. Il a bien fallu que le modeste protocole français empruntât au cérémonial britannique un peu de magnificence. Du faubourg Saint-Honoré à la porte de Vincennes, et dans toute la traversée du bois, une foule innombrable pousse des hourras frénétiques. Le Roi est radieux. À notre arrivée sur le terrain de la revue, nous sommes accueillis par cent un coups de canon, des sonneries de clairon, des roulements de tambour et des milliers de cris humains. Notre landau file à gauche sur le front des troupes, tandis que la voiture de la Reine se dirige immédiatement vers la tribune officielle. Nous passons rapidement devant l’infanterie, la cavalerie, l’artillerie et, en suivant la barrière extérieure, toute rembourrée d’un public frémissant, nous revenons nous-mêmes à la tribune dans le bruit grandissant des vivats. Je redescends aussitôt pour décorer, entre une sonnerie de garde à vous et un refrain de Marseillaise, les drapeaux des Écoles polytechnique et Saint-Cyr. Lorsque j’épingle à la cravate du premier la croix de la Légion d’honneur, je ne puis, tout en prononçant quelques mots d’éloge, me défendre de reporter ma pensée vers deux anciens élèves de l’X, qui ont disparu depuis peu et qui eussent