Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/103

Cette page n’a pas encore été corrigée

Moi, j’irais volontiers jusqu’à l’alliance avec la France, mais aucun gouvernement anglais ne la saurait faire accepter par la Chambre des Communes. » M. Paul Cambon ajoute : « Tout au plus pourrions-nous espérer qu’il s’établît entre l’Angleterre et la Russie des accords militaires ou navals analogues aux nôtres. » Notre ambassadeur me raconte ensuite que le Roi connaît, en ce moment, quelques-uns des graves ennuis qui sont, dans tous les pays libres, le lot ordinaire des chefs d’État constitutionnels. Les conservateurs lui reprochent assez vivement de laisser au cabinet libéral la bride sur le cou. Ils prétendent qu’avec la Reine Victoria ou même avec Édouard VII, les choses ne se seraient pas passées ainsi. Ils espèrent que le Roi ne sanctionnera pas, après la troisième lecture, le bill du Home Rule, d’où peut sortir une guerre civile. D’autre part, le Roi a été attaqué en pleine Chambre par un député travailliste, qui l’a ouvertement accusé d’avoir encouragé des officiers à donner leur démission pour n’avoir pas, le jour venu, à faire exécuter la loi. Un banquet a été offert à cet honorable membre du Parlement, qui a reçu les félicitations de ses amis. Le Roi est pris ainsi entre deux feux convergents. Ces critiques injustes et contradictoires paraissent l’avoir assez vivement affecté. On murmurait même récemment que son voyage en France allait être ajourné. « Par bonheur, me dit M. Paul Cambon, il n’en est rien, et le séjour du souverain britannique à Paris sera, sans doute, pour lui une heureuse diversion. »

En attendant cette visite royale, je puis, durant les vacances parlementaires, m’éloigner un peu de l’Élysée, de ses dorures et de ses tapisseries. Pour