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La filouterie — ou l’idée abstraite exprimée par le verbe filouter est assez claire. Cependant le fait, l’action, la chose est quelque peu difficile à définir. Nous pouvons toutefois arriver à une conception passable du sujet, en définissant, non la chose elle-même, mais l’homme, comme un animal qui filoute. Si Platon avait songé à cela, il se fût épargné l’affront du poulet déplumé.

On demandait fort pertinemment à Platon pourquoi un poulet déplumé, ou ce qui revient très clairement au même, « un bipède sans plumes » ne serait pas, selon sa propre définition, un homme ? Mais je n’ai pas à craindre de m’entendre poser une semblable question. L’homme est un animal qui filoute, et il n’y a pas d’autre animal qui filoute que l’homme. Une cage entière de poulets déplumés n’entamerait pas ma définition.

Ce qui constitue l’essence, la nature, le principe de la filouterie est, de fait, un caractère tout particulier à l’espèce de créatures qui portent jaquettes et pantalons. Une corneille dérobe, un renard escroque, une belette friponne ; un homme filoute.