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POÉSIES.

S’il pouvoit avec eux à jamais s’attacher.
Il demeure muet du respect qu’il leur porte :
Mais enfin la douleur, se rendant la plus forte,
Lui fait encore un coup une plainte arracher.

Pas adorés de moi quand par accoutumance
Je n’aurois, comme j’ai, de vous la connoissance,
Tant de perfections vous découvrent assez ;
Vous avez une odeur de parfums d’Assyrie ;
Les autres ne l’ont pas, et la terre flétrie
Est belle seulement où vous êtes passés.

Beaux pas de ces seuls pieds que les astres connoissent,
Comme ores à mes yeux vos marques apparoissent !
Telle autrefois de vous la merveille me prit,
Quand, déja demi-clos sous la vague profonde,
Vous ayant appelés, vous affermîtes l’onde,
Et m’assurant les pieds m’étonnâtes l’esprit.

Mais, ô de tant de biens indigne récompense !
Ô dessus les sablons inutile semence !
Une peur, ô Seigneur ! m’a séparé de toi ;
Et d’une ame semblable à la mienne parjure,
Tous ceux qui furent tiens, s’ils ne t’ont fait injure,
Ont laissé ta présence et t’ont manqué de foi.

De douze, deux fois cinq étonnés de courage,
Par une lâche fuite évitèrent l’orage,
Et tournèrent le dos quand tu fus assailli ;