Page:Pline le Jeune - Panégyrique de Trajan, trad. Burnouf, FR+LA, 1845.djvu/129

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en alarmes, lorsque, tremblants, interdits, se confiant peu dans notre patience, ils attendaient les courriers qui devaient leur apporter, d’une province ou d’une autre, l’assurance de la servitude publique. Si les torrents, les neiges, les tempêtes en retardaient quelqu’un, aussitôt ils croyaient arrivé tout ce qu’ils méritaient. Et leur frayeur plaçait partout le danger : car un mauvais prince voit son successeur dans quiconque est plus digne que lui du rang suprême ; et comme il n’est personne qui n’en soit plus digne, il n’est personne qu’il ne craigne. Pour vous, ni la lenteur des courriers, ni le retardement des lettres, n’ajourne votre sécurité ; vous savez qu’en tous lieux on vous fait serment, puisque vous avez fait serment à tout le monde ; c’est un plaisir que personne ne se refuse. Nous vous aimons sans doute autant que vous le méritez ; mais ce n’est pas à cause de vous, c’est à cause de nous-mêmes que nous vous aimons et puisse ne jamais luire le jour où ce ne serait plus notre intérêt, mais notre devoir qui dicterait les vœux que nous formons pour vous ! Honte aux princes auprès de qui l’on peut se faire un mérite de la foi qu’on leur garde ! Pourquoi ceux que nous haïssons cherchent-ils seuls à pénétrer dans le secret de nos familles ? Ah ! si les bons prenaient cette peine aussi bien que les méchants, quelle admiration pour vos vertus, quelle joie, quels transports vous surprendriez partout ! quels entretiens avec nos femmes et nos enfants ! quelles prières à l’autel domestique et aux dieux du foyer ! Vous sauriez que nous ménageons ici la délicatesse de vos oreilles. Et, après tout, la haine et l’amour, si opposés d’ailleurs, ont cela de commun, que nous aimons les bons princes avec plus d’effusion, dans les lieux où nous haïssons les mauvais avec plus de liberté.

LXIX- Il est un jour cependant où vous vîtes éclater, autant qu’elles peuvent éclater en votre présence, notre tendresse et notre estime : c’est celui où vous ménageâtes si bien les sollicitudes et l’amour-propre des candidats, que le chagrin des uns ne troubla point la satisfaction des autres. Ceux-ci se retirèrent pleins de joie, ceux-là pleins d’espoir : il y en eut beaucoup à féliciter, il n’y en eut aucun à consoler. Vous n’en fîtes pas moins à nos jeunes nobles une vive exhortation d’implorer l’appui des sénateurs, de solliciter leurs suffrages, de n’espérer du prince que les honneurs qu’ils auraient demandés