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Je dirai, je pense, que je ne vois pas de cet oeil-là, mais que je vois de l’autre.

SOCRATE

Donc tu vois et en même temps tu ne vois pas la même chose ?

THÉÉTÈTE

Oui, au moins d’une certaine manière.

SOCRATE

Ce n’est pas du tout cela que je veux savoir, répliquera-t-il : je ne t’ai pas demandé le comment, mais si ce que tu sais, cela même tu ne le sais pas. Or à présent il est manifeste que tu vois ce que tu ne vois pas ; car tu as justement admis que voir, c’est savoir, et que ne pas voir, c’est ne pas savoir. Conclus de là ce qu’il en résulte pour toi.

THÉÉTÈTE

Eh bien, je conclus qu’il en résulte le contraire de ce que j’ai posé.

SOCRATE

Peut-être, admirable jeune homme, aurais-tu été réduit à bien d’autres inconséquences, si l’on t’avait demandé en outre : Est-il possible de savoir la même chose d’une manière aiguë ou d’une manière émoussée, de la savoir de loin, mais non de près, fortement ou doucement, et mille autres questions que te ferait un peltaste aux aguets, mercenaire des combats de parole. Quand tu aurais avancé que la science et la sensation sont identiques, il se jetterait sur les sensations de l’ouïe, de l’odorat et des autres sens, et, soutenant son attaque sans lâcher prise, il te réfuterait jusqu’à ce que, étourdi de son enviable sagesse, tu fusses tombé dans ses filets. Après t’avoir ainsi maîtrisé et enchaîné, il te rançonnerait de la somme dont vous seriez convenus entre vous. Maintenant tu vas peut-être me demander ce que pourra dire Protagoras pour défendre sa doctrine. N’essaierons-nous pas de le formuler ?

THÉÉTÈTE

Certainement si.

SOCRATE

XX. — Il fera valoir tout ce que nous-mêmes nous disons pour le défendre, puis j’imagine qu’il nous prendra corps à corps et nous dira sur un ton méprisant : « Cet honnête Socrate a fait peur à un petit garçon en lui demandant