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l’ignorance, de nous servir de ce terme. Mais il ne faut pas, disent les sages, concéder qu’on puisse dire « quelque chose », ou « de quelqu’un », ou « de moi », ou « ceci », ou « cela », ou tout autre mot qui fixe les choses ; il faut dire, en accord avec la nature, qu’elles « sont en train de devenir, de se faire, de se détruire, de s’altérer » ; car si, par sa façon de parler, on représente une chose comme stable, on s’expose ainsi à être aisément réfuté. Il faut donc suivre cette règle et à propos des objets particuliers et à propos de collections d’objets nombreux, auxquelles on donne le nom d’homme, de pierre, d’animal et d’espèce. Trouves-tu ces théories plaisantes, Théétète, et sont-elles de ton goût ?

THÉÉTÈTE

Je ne sais pas, moi, Socrate ; car je ne puis même pas deviner si toi-même tu parles selon ta pensée ou pour m’éprouver.

SOCRATE

Ne te souviens-tu pas, mon ami, que moi-même je ne sais ni ne m’approprie rien de tout cela, qu’à cet égard je suis stérile, que c’est toi que j’accouche et que, dans cette vue, j’ai recours aux enchantements et te sers les opinions de chaque sage pour que tu les goûtes, jusqu’à ce que, grâce à mon aide, tu aies mis ta propre opinion au jour ? Quand elle y sera, j’examinerai alors si c’est du vent ou un produit de bon aloi. Sois donc confiant et patient et réponds librement et bravement ce qui te paraîtra vrai sur ce que j’ai à te demander.

THÉÉTÈTE

Tu n’as qu’à m’interroger.

SOCRATE

XIII. — Dis-moi donc encore une fois si tu souscris à l’opinion que rien n’existe, mais que le bien, le beau et tout ce que j’ai énuméré tout à l’heure est dans un perpétuel devenir.

THÉÉTÈTE

Pour ma part, lorsque je t’entends exposer cette opinion, elle me paraît merveilleusement fondée en raison, et qu’il faut l’accepter comme tu l’as présentée.

SOCRATE

Maintenant il y a une lacune à combler dans mon exposé. Il reste à parler des songes, des maladies, notamment