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plus nombreux que les quatre et les dépassent de moitié. Si nous en mettons douze, qu’ils sont moins nombreux et n’en sont que la moitié. Il n’est pas admissible que l’on parle autrement. L’admettrais-tu, toi ?

THÉÉTÈTE

Moi, non.

SOCRATE

Et maintenant, si Protagoras ou quelque autre te posait cette question : « Est-il possible, Théétète, qu’une chose devienne plus grande ou plus nombreuse autrement que si elle est augmentée ? » que répondrais-tu ?

THÉÉTÈTE

Si je réponds, Socrate, ce que je pense, en ne tenant compte que de la question présente, je dirai que non ; mais si j’ai égard à la question précédente, pour éviter de me contredire, je dirai que oui.

SOCRATE

Voilà, par Héra, mon ami, qui est bien et divinement répondu. Mais si tu réponds oui, tu parleras comme Euripide[1] : notre langue sera à l’abri de tout reproche, mais notre esprit ne le sera pas.

THÉÉTÈTE

C’est vrai.

SOCRATE

Si donc nous étions habiles et sages, toi et moi, après avoir approfondi tout ce qui concerne l’esprit, nous pourrions dès lors, en manière de passe-temps, nous éprouver l’un l’autre, lutter entre nous à la manière des sophistes, en choquant réciproquement arguments contre arguments. Mais n’étant que des hommes ordinaires, nous chercherons avant tout à confronter nos pensées pour voir ce qu’elles valent et voir si nous les trouvons bien d’accord, ou si elles ne le sont en aucune manière.

THÉÉTÈTE

C’est, je t’assure, ce que je souhaite.

SOCRATE

XI. — Et moi aussi. Mais s’il en est ainsi, et puisque nous sommes tout à fait de loisir, ne reprendrons-nous pas notre examen tranquillement, sans impatience, pour voir, en nous examinant réellement nous-mêmes, ce que peuvent être ces visions qui sont en nous ? En considérant

  1. Euripide, Hippolyte, 612 : « Ma langue a juré, mais mon esprit n’a pas prêté serment. »