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s accoucheuses et à elles seules qu’il appartient de bien assortir les mariages.

THÉÉTÈTE

Il le semble.

SOCRATE

Tel est donc l’office des sages-femmes : il est inférieur au mien. Il n’arrive pas en effet aux femmes d’enfanter, tantôt des chimères et tantôt des êtres véritables, ce qui n’est pas aisé à reconnaître. Si cela leur arrivait, le plus grand et le plus beau travail des sages-femmes serait de distinguer le vrai du faux. Ne le crois-tu pas ?

THÉÉTÈTE

Si.

SOCRATE

VII. — Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions que remplissent les sages-femmes ; mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, c’est qu’il rend capable de discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici ; c’est que le dieu me contraint d’accoucher les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi.

Et voici qui le prouve. Plusieurs déjà, méconnaissant mon assistance et s’attribuant à eux-mêmes leurs progrès sans tenir aucun compte de moi, m’ont, soit d’eux-mêmes, soit à l’instigation d’autrui, quitté plus tôt qu’il ne fallait. Loin de moi, sous l’influence de mauvais maîtres, ils