Page:Platon - Théétète. Parménide, trad. Chambry.djvu/172

Cette page n’a pas encore été corrigée

n perspective, je n’y comprends plus rien du tout. Tant que j’en étais loin, je croyais y voir quelque chose.

THÉÉTÈTE

Comment et pourquoi ?

SOCRATE

Je vais te l’expliquer, si j’en suis capable. Ayant sur toi une opinion droite, si j’y ajoute la définition de ta personne, alors je te connais ; sinon, je n’ai qu’une simple opinion.

THÉÉTÈTE

Oui.

SOCRATE

Or cette définition, c’est, nous l’avons vu, l’explication de ta différence.

THÉÉTÈTE

En effet.

SOCRATE

Lors donc que je n’avais de toi qu’une opinion, n’est-il pas vrai que je ne saisissais par la pensée aucun des traits qui te distinguent des autres ?

THÉÉTÈTE

Vraisemblablement.

SOCRATE

Ainsi je n’avais dans ma pensée que quelques-uns de ces traits communs qui ne sont pas plus à toi qu’à tout autre.

THÉÉTÈTE

Nécessairement.

SOCRATE

Dis-moi, au nom de Zeus, comment pouvais-je, en ce cas, avoir une opinion sur toi plutôt que sur tout autre ? Suppose en effet que je me dise en moi-même : « Celui-là est Théétète qui est un homme, avec un nez, des yeux, une bouche et tous les autres membres », en quoi cette pensée me fera-t-elle concevoir Théétète plutôt que Théodore, ou, comme on dit, le dernier des Mysiens[1] ?

THÉÉTÈTE

En rien en effet.

SOCRATE

Mais si je ne me représente pas seulement un homme qui a un nez et des yeux, si je me le représente en outre avec un nez camard et des yeux à fleur de t

  1. Expression proverbiale qui, d’après le scoliaste, marque le mépris.