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Et tu auras raison.

SOCRATE

« Mais alors, dira-t-il, ne suit-il pas de là qu’on ne prendra jamais le nombre onze, qui n’est conçu que par la pensée pour le nombre douze, qui, lui aussi, n’est conçu que par la pensée ? » Allons maintenant, c’est à toi de répondre.

THÉÉTÈTE

Eh bien, ma réponse sera qu’à l’égard des objets qu’on voit ou qu’on touche, on peut confondre onze avec douze, mais que pour les nombres, qui sont dans la pensée, on ne saurait jamais en avoir cette opinion.

SOCRATE

Quoi donc ? penses-tu qu’un homme se soit jamais proposé d’examiner en lui-même cinq et sept, je ne dis pas sept hommes et cinq hommes, ni quoi que ce soit de pareil, mais les nombres mêmes cinq et sept, dont nous disons qu’ils sont imprimés comme souvenirs dans notre bloc de cire et sur lesquels nous prétendons qu’il est impossible de faire un faux jugement, penses-tu, dis-je, que, si des hommes ont jamais examiné ces nombres mêmes en se parlant à eux-mêmes et en se demandant quelle somme ils font, l’un d’eux ait dit et cru qu’ils font onze, et l’autre qu’ils font douze, ou bien tout le monde dit-il et croit-il qu’ils font onze ?

THÉÉTÈTE

Non, par Zeus ; beaucoup disent onze, et, plus le nombre considéré est grand, plus il y a de chances d’erreur. Car je suppose que tu veux parler de toute espèce de nombre.

SOCRATE

Tu as raison de le supposer. Considère maintenant si, dans ce cas, on ne prend pas tout bonnement pour onze le douze même qui est imprimé dans la cire.

THÉÉTÈTE

Il semble bien.

SOCRATE

Nous voilà donc revenus à nos premiers arguments, car celui qui se trompe de la sorte pense qu’une chose qu’il connaît est une autre chose qu’il connaît également, ce qui, avons-nous dit, est impossible, et c’est pour cette raison même que nous avons conclu comme une chose