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SOCRATE

Mais s’il s’agit des choses à venir, dirons-nous aussi, Protagoras, qu’il en a le critère en lui-même, et que telles il pense qu’elles seront, telles elles deviennent pour celui qui les pense. Prenons pour exemple la chaleur. Supposons qu’un homme étranger à la médecine pense que la fièvre le saisira et qu’il éprouvera cette espèce de chaleur, et qu’un autre, qui est médecin, pense le contraire. Dirons-nous alors que l’avenir se réalisera suivant l’opinion de l’un des deux ou suivant l’opinion des deux à la fois, et que pour le médecin il ne sera ni chaud, ni fiévreux, et qu’il sera l’un et l’autre pour lui-même ?

THÉODORE

Ce serait vraiment ridicule.

SOCRATE

Et si l’on se demande si un vin sera doux ou âpre, c’est, j’imagine, l’opinion du vigneron, non celle du cithariste, qui fera autorité.

THÉODORE

Sans contredit.

SOCRATE

De même, à propos de ce qui sera ou ne sera pas d’accord, le maître de gymnastique ne jugera pas mieux que le musicien de ce qui par la suite paraîtra d’accord au maître de gymnastique lui-même.

THÉODORE

En aucune façon.

SOCRATE

Et au moment où un festin se prépare, le jugement de celui qui doit y prendre part, s’il ne s’entend pas en cuisine, aura aussi moins d’autorité que celui du cuisinier sur le plaisir qu’on y goûtera. Car pour le plaisir que chacun goûte déjà ou qu’il a déjà goûté, nous n’en disputerons pas encore ; mais à propos de ce qui semblera et sera dans l’avenir agréable à chacun, chacun est-il pour lui-même le meilleur juge, ou bien est-ce toi, Protagoras, qui, au moins pour ce qui sera persuasif pour chacun de nous dans un discours destiné aux juges, en jugerais mieux à l’avance que n’importe quel profane ?

THÉODORE

Certainement, Socrate, en cela du moins il déclarait hautement qu’il était supérieur à tout le monde.

SOCRATE