Page:Platon - Sophiste ; Politique ; Philèbe ; Timée ; Critias (trad. Chambry), 1992.djvu/422

Cette page n’a pas encore été corrigée

mêmes éléments et les mêla à peu près de la même manière, mais ils n’étaient plus aussi purs : ils l’étaient même deux ou trois fois moins. Quand il eut composé le tout, il le partagea en autant d’âmes qu’il y a d’astres, il assigna chacune d’elles à un astre, les y plaça comme dans un char, leur montra la nature de l’univers et leur fit connaître les lois de la destinée : tous devaient être traités de même à leur première incarnation, afin que nul ne fût désavantagé par lui ; semées chacune dans l’organe du temps fait pour elle, elles devaient devenir l’animal le plus religieux de tous ; mais, la nature humaine étant double, le sexe supérieur serait celui qui serait dans la suite appelé mâle. Lorsque les âmes seraient, en vertu de la nécessité, implantées dans des corps, et que ces corps s’accroîtraient de certaines parties et en perdraient d’autres, il en résulterait d’abord qu’elles auraient nécessairement toutes la même sensibilité naturelle à la suite d’impressions violentes, puis l’amour avec son mélange de plaisir et de peine, et en outre la crainte, la colère et toutes les passions connexes à celles-là ou celles qui leur sont naturellement contraires ; que ceux qui les domineraient vivraient dans la justice, et ceux qui s’en laisseraient dominer, dans l’injustice ; que celui qui aurait fait bon usage du temps qui lui est accordé, retournerait habiter l’astre auquel il est affecté et vivrait heureux en sa compagnie, mais que celui qui aurait manqué ce but serait transformé en femme à sa seconde naissance, et si, en cet état, il ne cessait pas d’être méchant, il serait, suivant la nature de sa méchanceté, transformé, à chaque naissance nouvelle, en l’animal auquel il ressemblerait par ses moeurs, et ses métamorphoses et ses tribulations ne finiraient point avant d’avoir soumis à la révolution du Même et du Semblable en lui cette grosse masse de feu, d’eau, d’air et de terre qui s’est ajoutée à son être par la suite ; qu’il ne retrouverait l’excellence de son premier état qu’après avoir maîtrisé par la raison cette masse turbulente et déraisonnable.

Lorsque Dieu leur eut fait connaître tous ces décrets, pour qu’on ne le tînt pas responsable de leur méchanceté future, il les sema, les uns sur la terre, les autres dans la lune, les autres dans tous les autres instruments du temps. Après ces semailles, il confia aux jeunes dieux le soin de façonner des corps mortels, de compléter leur oeuvre en ajoutant tout ce qu’il fallait encore ajouter à l’âme humaine et tous les accessoires qu’elle exigeait, puis de commander et de gouverner aussi sagement et aussi bien qu’ils le pourraient cet être mortel, à moins qu’il ne fût lui-même la cause de son malheur.

Après avoir réglé tout cela, le dieu reprit le cours de son existence habituelle. Tandis qu’il gardait le repos, ses enfants, qui avaient saisi l’organisation que projetait leur père, s’y conformèrent. Ils prirent le principe immortel