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Quelle raison ?

L’ÉTRANGER

Etre toujours dans le même état et de la même manière et rester identique n’appartient qu’aux êtres les plus divins de tous ; mais la nature du corps n’est pas de cet ordre. Or cet être que nous avons nommé ciel et monde, bien qu’il ait reçu de son créateur une foule de dons bienheureux, ne laisse pas de participer du corps. Par suite, il lui est impossible d’être entièrement exempt de changement, mais il se meut, autant qu’il en est capable, à la même place, de la même manière et d’un même mouvement. Aussi a-t-il reçu le mouvement circulaire inverse, qui est celui qui l’écarte le moins de son mouvement original.

Mais quant à se faire tourner soi-même éternellement, cela n’est guère possible qu’à celui qui dirige tout ce qui se meut, et à celui-là la loi divine interdit de mouvoir tantôt dans tel sens, tantôt dans un sens opposé. Il résulte de tout cela qu’il ne faut dire ni que le monde se meut lui-même éternellement, ni qu’il reçoit tout entier et toujours de la divinité ces deux rotations contraires, ni enfin qu’il est mû par deux divinités de volontés opposées. Mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, et c’est la seule solution qui reste, tantôt il est dirigé par une cause divine étrangère à lui, recouvre une vie nouvelle et reçoit du démiurge une immortalité nouvelle, et tantôt, laissé à lui-même, il se meut de son propre mouvement et il est ainsi abandonné assez longtemps pour marcher à rebours pendant plusieurs myriades de révolutions, parce que sa masse immense et parfaitement équilibrée tourne sur un pivot extrêmement petit [12] .

SOCRATE LE JEUNE

En tout cas, tout ce que tu viens d’exposer paraît fort vraisemblable.

L’ÉTRANGER

XIV. — En nous fondant sur ce qui vient d’être dit, essayons de nous rendre compte de l’événement que nous avons dit être la cause de tous ces prodiges. Or c’est exactement ceci.

SOCRATE LE JEUNE

Quoi ?

L’ÉTRANGER

Le mouvement de l’univers, qui tantôt le porte dans le sens où il tourne à présent, et tantôt dans le sens contraire.