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eux-mêmes et se réconcilient avec eux, en se contraignant à les aimer et à en dire du bien.

Plus d’une fois sans doute Simonide s’est rendu compte qu’il avait lui-même fait l’éloge ou le panégyrique d’un tyran ou de quelque autre personnage semblable, non point de son plein gré, mais par contrainte. Voici donc le langage qu’il tient à Pittacos : Pour moi, Pittacos, si je te critique, ce n’est pas que j’aime la chicane ; car Il me suffit qu’un homme ne soit pas méchant, ni trop lâche, qu’il connaisse la justice, sauvegarde des États, et qu’il soit sensé. Pour un tel homme, je n’aurai point de blâme, car je n’aime pas à blâmer ; la race des sots est en effet innombrable tellement que, si l’on prend plaisir à les reprendre, on trouve à critiquer à satiété.

Il faut tenir pour honnête tout acte qui n’est point entaché de honte.

Quand il parle ainsi, ce n’est pas comme s’il disait : Il faut regarder comme blanc tout ce qui est sans mélange de noir ; car cela serait ridicule à plus d’un égard ; il veut dire qu’il se contente d’un juste milieu pour faire taire sa critique, et je ne cherche pas, dit-il, un homme tout à fait sans reproche parmi nous qui cueillons les fruits de la vaste terre ; mais si je le trouve, je viendrai vous le dire. Aussi, à ce titre, je n’aurai personne à louer ; mais je me contente d’un homme moyen, qui ne fait rien de mal ; car j’aime et je loue tout homme, — et il se sert ici du dialecte de Mytilène, parce qu’il parle à Pittacos , — je loue et j’aime volontairement (il faut séparer volontairement de ce qui suit par une pause dans la prononciation) tout homme qui ne fait rien de honteux ; tandis que c’est malgré moi que je loue et que j’aime certaines personnes. Si donc toi, Pittacos, tu avais dit des choses d’une justesse et d’une vérité moyennes, jamais je ne t’aurais repris ; mais tu avances au contraire de graves erreurs sur des questions capitales, et tu t’imagines que tu dis la vérité : c’est pour cela que je te reprends.

Voilà, selon moi, Prodicos et Protagoras, quel a été le dessein de Simonide, quand il a composé ce poème.

XXXII. — Là-dessus, Hippias dit : Il me paraît, Socrate, que toi aussi, tu as fort bien interprété le poète ; mais moi aussi, je puis en donner une bonne explication, et je vais, si vous voulez, vous la soumettre.

Alors Alcibiade : Nous voulons bien, Hippias, dit-il, mais une autre fois ; pour le moment, il est juste que Protagoras et Socrate tiennent le traité qu’ils ont fait, et que Protagoras, s’il le veut, interroge et que Socrate réponde, ou, s’il préfère donner la réplique, que Socrate fasse les questions.

— Pour moi, dis-je, je m’en remets à Protagoras ; qu’il