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XXV. — Cette proposition plut à la compagnie et obtint tous les suffrages. Callias déclara qu’il ne me laisserait pas partir et on me pria de choisir un président. Je répondis qu’il serait humiliant pour nous de soumettre nos discours à un arbitre ; si en effet on choisissait un homme qui fût inférieur à nous, il ne convenait pas que le pire fît la loi aux meilleurs ; s’il était notre égal, cela ne convenait pas davantage ; car un égal ferait tout comme nous et ainsi le choix en serait superflu. Mais, dira-t-on, vous choisirez un meilleur que vous. A dire vrai, je regarde comme impossible qu’on choisisse un plus habile homme que Protagoras. Si enfin vous choisissez quelqu’un qui ne vaille pas mieux que lui, mais que vous donniez pour supérieur à lui, c’est faire un affront à Protagoras que de lui imposer un surveillant comme à un homme de peu ; pour ce qui me concerne, je n’y attache aucune importance. Mais voici ce que je veux bien faire pour satisfaire votre désir et continuer notre réunion et notre conversation. Si Protagoras ne veut pas répondre, qu’il interroge ; moi, je répondrai et en même temps j’essaierai de lui montrer comment je pense qu’il faut répondre lorsqu’on est interrogé ; puis, quand j’aurai répondu à toutes les questions qu’il lui plaira de me poser, qu’à son tour il me donne la réplique comme je la lui aurai donnée ; si alors il montre peu d’empressement à répondre à la question même, vous et moi, nous lui ferons en commun la prière que vous m’avez faite, de ne point rompre la conversation. Il n’est aucunement besoin pour cela d’avoir un président : vous présiderez tous en commun. Tout le monde approuva cette manière de faire. Elle n’était pas du tout du goût de Protagoras ; mais il fut forcé d’accorder qu’il interrogerait, et qu’après avoir suffisamment interrogé, il répondrait à son tour en peu de mots. Il commença donc à interroger de cette manière.

XXVI. — Je suis d’avis, Socrate, dit-il, que l’objet principal de l’éducation est la connaissance de la poésie, c’est-à-dire la capacité de discerner ce qui est bien et ce qui est mal dans les oeuvres des poètes, et le talent de les analyser et de résoudre les questions qu’elles soulèvent. Et maintenant je vais te poser une question qui ne s’écartera pas du sujet, la vertu, dont nous disputions tout à l’heure, toi et moi, mais qui nous transportera dans le domaine de la poésie : ce sera toute la différence. Simonide dit quelque part à Scopas, fils de Créon le Thessalien : C’est une chose difficile, je l’avoue, de devenir un véritable homme de bien, carré des mains, des pieds et de l’esprit et fait sans reproche. Connais-tu ce poème, ou te le réciterai-je en entier ?