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nous donc ce plaisir à tous. Je lui répondis, déjà debout pour sortir : O fils d’Hipponicos, j’ai toujours admiré ton amour de la sagesse, et encore à présent je le loue et le prise ; aussi je voudrais bien te faire plaisir, si tu me demandais des choses en mon pouvoir ; mais c’est comme si tu me demandais de suivre le jeune coureur Crison d’Himère, ou de lutter de vitesse avec un champion du long stade ou un hémérodrome. Je te répondrais que je désirerais moi-même beaucoup plus que toi de tenir pied à ces coureurs, mais que c’est chose impossible pour moi ; si tu veux nous voir courir dans la même carrière, Crison et moi, prie-le de s’accommoder à ma faiblesse ; car moi je suis incapable de courir vite, tandis que lui peut courir lentement. Si donc tu désires nous entendre, Protagoras et moi, prie-le de continuer à répondre juste à mes questions, en peu de mots, comme il l’a fait d’abord ; sinon quelle sorte de conversation est-ce là ? Pour moi, j’ai toujours cru que causer en société et faire des harangues étaient deux choses différentes. — Cependant, tu le vois, Socrate, reprit Callias : Protagoras semble bien dans son droit, quand il demande qu’on lui permette de discuter à sa manière, comme toi à la tienne.

XXIII. — Ici Alcibiade prit la parole et dit : Tu n’es pas juste, Callias ; car Socrate confesse qu’il n’a pas le don des longs discours et qu’il cède cet avantage à Protagoras ; mais quant à mener une discussion et savoir présenter ou recevoir un argument, je serais bien surpris s’il était inférieur à qui que ce soit. Si donc Protagoras aussi confesse qu’il ne vaut pas Socrate dans la discussion, Socrate n’en demande pas davantage ; mais s’il lui dispute la supériorité, qu’il accepte la discussion par demandes et par réponses, sans tirer ses discours en longueur à chaque question ; qu’il cesse d’éluder les arguments, de refuser la réplique et de s’étendre jusqu’à faire oublier de quoi il est question à la plupart des auditeurs ; car je garantis, moi, que Socrate n’oubliera rien, bien qu’il s’amuse à soutenir qu’il n’a pas de mémoire. Mon avis est donc que la prétention de Socrate est la mieux fondée, puisqu’il faut que chacun dise son sentiment.

Après Alcibiade, ce fut Critias, si je ne me trompe, qui prit la parole : Prodicos et Hippias, dit-il, il me semble que Callias est bien décidément pour Protagoras ; quant à Alcibiade, il veut toujours avoir raison, quoi qu’il se mette en tête. Mais nous, nous ne devons en aucune façon prendre parti ni pour Socrate, ni pour Protagoras ; prions-les plutôt tous les deux impartialement de ne pas laisser là l’entretien.

Critias ayant ainsi parlé, Prodicos prit la parole : Il me semble que tu as raison, Critias ; il faut que ceux qui assistent à ces sortes de conversations écoutent les deux