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— Sans doute.

— Donc par des principes contraires ?

— Oui.

— Dès lors la folie est contraire à la tempérance ?

— Il paraît.

— Eh bien ; te rappelles-tu que tout à l’heure nous avons reconnu que la folie est le contraire de la sagesse ?

Il le reconnut.

— Et qu’un contraire n’a qu’un seul contraire ?

— Oui.

— Alors, Protagoras, laquelle de ces deux assertions faut-il rétracter ? celle-ci, qu’un contraire n’a qu’un seul contraire, ou celle-là, que la sagesse est autre chose que la tempérance, qu’elles sont l’une et l’autre des parties de la vertu, et qu’elles sont seulement différentes, mais encore dissemblables et en elles-mêmes et dans leurs propriétés, comme les parties du visage ; laquelle de ces deux assertions, dis-je, devons-nous rétracter ? car elles sont en dissonance, puisqu’elles ne s’accordent ni ne s’harmonisent entre elles. Comment en effet pourraient-elles s’accorder, s’il faut nécessairement qu’un contraire n’ait qu’un seul contraire, et non plusieurs, et s’il apparaît d’autre part que la folie qui est une a pour contraire la sagesse et la tempérance ? Est-ce bien cela, Protagoras ? qu’en penses-tu ?

Il se déclara d’accord avec moi, mais bien malgré lui.

— La tempérance et la sagesse seraient donc une même chose ? Or nous avons déjà vu que la justice et la sainteté sont à peu près la même chose. Allons, Protagoras, dis-je, ne nous rebutons pas, examinons le reste. L’homme qui fait une injustice est-il prudent en tant qu’il fait une injustice ?

— Moi, Socrate, dit-il, je rougirais de l’admettre, mais beaucoup de gens le pensent.

— A qui m’adresserai-je alors, demandai-je, à eux ou à toi ?

— Si tu veux bien, répliqua-t-il, commence par discuter l’opinion de ces gens-là.

— Peu m’importe, pourvu que ce soit toi qui répondes, si c’est ou non ta manière de voir ; car c’est la chose que j’examine avant tout, bien que par le fait nous nous trouvions peut-être nous-mêmes, et moi qui questionne et toi qui réponds, soumis aussi à l’examen.

Protagoras fit d’abord des façons, alléguant que la matière était épineuse, puis il consentit pourtant à répondre.

XXI. — Allons, dis-je, reprenons la question au commencement. Penses-tu qu’il y ait des gens qui soient prudents en commettant l’injustice ?

— Je veux bien l’admettre, dit-il.