Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée

entre elles ; mais qu’importe ? admettons, si tu veux, que la justice est sainte et la sainteté juste.

— Non point, dis-je. Pas de si tu veux, ni de s’il te plaît ; ce ne sont pas des suppositions qu’il faut examiner, c’est toi et moi qu’il faut persuader, c’est toi et moi qui sommes en cause, et je pense que la meilleure manière de discuter est de supprimer ce si.

— Je reconnais, dit-il, que la justice a quelque ressemblance avec la sainteté ; car une chose quelconque ressemble toujours à une autre en quelque manière ; il y a quelque rapport de ressemblance entre le blanc et le noir, entre le dur et le mou et entre les choses qui paraissent le plus opposées les unes aux autres ; et ces parties mêmes dont nous disions tout à l’heure qu’elles avaient des propriétés différentes, que l’une n’était pas pareille à l’autre, je veux dire les parties du visage, ces parties se ressemblent et sont pareilles les unes aux autres par certains côtés, en sorte que tu pourrais prouver de cette façon, si tu voulais, que toutes ces parties se ressemblent entre elles ; mais il n’est pas juste, à mon avis, d’appeler semblables des choses qui ont quelque rapport de ressemblance, ni dissemblables des choses qui ont quelque rapport de différence, quelque mince que soit ce rapport.

Etonné d’une telle réponse, je lui dis : Le juste et le saint sont-ils donc vis-à-vis l’un de l’autre au point de n’avoir qu’un mince rapport de ressemblance ?

— Ce n’est pas tout à fait cela, dit-il, mais ce n’est pas non plus ce que tu parais penser.

— Eh bien ! dis-je, puisque ce débat ne semble pas de ton goût, laissons-le ; examinons dans ton discours un autre point, celui-ci par exemple.

XX. — La folie est quelque chose à tes yeux ?

— Oui.

— Cette chose n’a-t-elle pas exactement pour contraire la sagesse ?

— C’est mon avis, répondit-il.

— Quand des hommes règlent leurs actes sur le bien et l’utile, crois-tu qu’ils sont tempérants, en se conduisant ainsi, ou tout le contraire ?

— Ils sont tempérants, dit-il.

— N’est-ce point par la tempérance qu’ils sont tempérants ?

— Si, forcément.

— N’est-il pas vrai que ceux qui n’agissent pas bien agissent follement, et ne sont pas tempérants en tant qu’ils agissent ainsi ?

— C’est aussi mon avis, dit-il.

— Agir follement est donc le contraire d’agir avec tempérance ?

— Oui.