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et de Xanthippe ici présents, qui ne sont rien à côté de leur père, et d’autres fils d’artistes qui sont dans le même cas. Quant à ceux-ci, il ne faudrait pas déjà les mettre en cause : leur jeunesse laisse encore à espérer.

XVII. — Après avoir étalé cette longue et belle pièce d’éloquence, Protagoras se tut ; et moi, toujours sous le charme, je continuais à le regarder, comme s’il allait poursuivre, car je désirais l’entendre encore. Mais quand je me fus rendu compte qu’il avait réellement fini, je me ressaisis non sans peine, et, me tournant vers Hippocrate, je dis : O fils d’Apollodore, combien je te suis obligé de m’avoir engagé à venir ici ! je ne donnerais pas pour beaucoup le plaisir d’avoir entendu ce que je viens d’entendre de Protagoras. Jusqu’à présent en effet je croyais qu’il n’y avait pas d’industrie humaine capable de faire des gens de bien ; maintenant je suis persuadé ; il n’y a qu’une petite difficulté qui m’arrête ; mais sans doute Protagoras l’éclaircira facilement, lui qui vient de jeter à profusion la lumière sur ces questions.

Si on s’entretenait sur ces mêmes sujets avec un de nos orateurs politiques, peut-être entendrait-on aussi des discours aussi beaux de la bouche d’un Périclès ou de quelque autre habile parleur ; mais qu’on leur pose des questions sur un point, ils sont comme les livres, ils ne savent ni répondre, ni interroger eux-mêmes ; mais si on leur demande le plus mince éclaircissement sur le sujet traité, comme des vases d’airain qu’on a choqués résonnent et continuent à résonner, tant qu’on ne met pas la main dessus, ainsi nos orateurs, à propos des moindres questions, font un discours à perte de vue. Protagoras au contraire est capable de tenir de longs et beaux discours, comme il vient de le montrer ; mais il est capable aussi, si on l’interroge, de répondre brièvement, et, s’il interroge, d’attendre et de recevoir la réponse, talent qui n’appartient qu’à peu de gens. Maintenant donc, Protagoras, il n’y a qu’un détail qui me tient en peine ; je serais pleinement satisfait, si tu voulais y répondre.

Tu dis que la vertu s’enseigne ; s’il y a quelqu’un au monde qui puisse m’en persuader, c’est toi ; mais il y a quelque chose qui m’a surpris dans ton discours et sur quoi je voudrais avoir l’esprit satisfait : tu as dit que Zeus avait envoyé la justice et la pudeur aux hommes ; d’autre part en plusieurs endroits de ton discours, tu as parlé de la justice, de la tempérance, de la sainteté, comme si tout cela n’était en somme qu’une seule chose, la vertu. Explique-moi donc nettement si la vertu est une, et si la justice, la tempérance, la sainteté n’en sont que des parties, ou si toutes ces qualités ne sont, comme je le disais tout à l’heure, que les noms d’une seule et même chose. Voilà ce que je désire encore de toi.