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sa conduite, sinon, renoncer à son dessein ; si c’est une chose telle qu’il faut instruire et punir tout homme qui en est dénué, enfant, homme, femme, jusqu’à ce qu’il s’améliore par le châtiment, et, s’il ne se rend point malgré les châtiments et les remontrances, le chasser des cités et le mettre à mort comme incurable ; s’il en est ainsi, et si malgré cela les hommes vertueux font instruire leurs fils en toutes choses et non en celle-ci, vois quelle conduite étonnante est la leur. Ils sont en effet convaincus, nous l’avons démontré, que la vertu peut être l’objet d’un enseignement public et privé, et avec cette conviction qu’elle est susceptible d’être enseignée et cultivée, ils feraient apprendre à leurs fils toutes les choses dont l’ignorance n’est point punie de mort, et celle qui expose leurs enfants, s’ils ne l’ont pas apprise et n’ont pas été formés a la vertu, à la peine de mort, à l’exil, et, outre la mort, à la confiscation, et, pour le dire en un mot, à la ruine de leurs maisons, ils ne la leur feraient pas apprendre, ils n’y mettraient pas toute leur application ! C’est une chose impossible à admettre, Socrate.

XV. — Cet enseignement, cette éducation commence à l’âge tendre, et les pères la poursuivent jusqu’à leur mort. Dès que l’enfant comprend ce qu’on lui dit, nourrice, mère, gouverneur, sans parler du père lui-même, s’évertuent à le perfectionner ; chaque action, chaque parole sert de texte à un enseignement direct : Telle chose est juste, lui dit-on, telle autre injuste ; ceci est beau, cela est honteux ; ceci est saint, cela impie ; fais ceci, ne fais pas cela. Il se peut que l’enfant obéisse volontairement ; il se peut qu’il soit indocile ; alors, comme on fait d’un bois courbé et gauchi, on le redresse par les menaces et les coups. Puis on envoie les enfants à l’école et on recommande beaucoup plus aux maîtres de veiller à leurs moeurs que de leur apprendre les lettres et la cithare. Les maîtres y veillent en effet, et quand leurs élèves savent lire et sont à même de comprendre ce qui est écrit, comme ils comprenaient les leçons orales, on leur donne à lire sur leurs bancs les oeuvres des grands poètes et on les leur fait apprendre par coeur. Ils y trouvent quantité de préceptes, quantité de récits à la louange et à la gloire des héros d’autrefois : on veut que l’enfant, pris d’émulation, les imite et s’efforce de leur ressembler.

Les maîtres de cithare font de même : ils s’appliquent à rendre les jeunes gens tempérants et veillent à ce qu’ils ne fassent rien de mal ; puis, quand ils leur ont appris à jouer de la cithare, ils leur font étudier les oeuvres d’autres grands poètes, les poètes lyriques, en les faisant exécuter sur l’instrument ; ils forcent ainsi les âmes des enfants à s’approprier les rythmes et les accords, pour qu’ils se rendent plus doux et que, devenus mieux rythmés et plus