73d Tu le crois du moins, toi, Polos.
Et j’ai raison de le croire.
C’est fort possible. Mais toi, de ton côté, tu soutenais que ceux qui agissent injustement sont heureux, s’ils échappent au châtiment.
Parfaitement.
Et moi, je dis que ce sont les plus malheureux et que ceux qui payent la peine de leurs fautes le sont moins. Veux‑tu aussi réfuter ce point ?
Ah ! Socrate, il est encore plus difficile à réfuter que le précédent !
Ne dis pas difficile, Polos, mais impossible ; car on ne réfute jamais la vérité.
Que dis‑tu là ? Voici un scélérat qu’on surprend dans un attentat pour s’emparer de la tyrannie et qui, arrêté, est mis à la torture ; on le châtie, on lui brûle les yeux, on le mutile atrocement de cent autres façons et il voit infliger les mêmes traitements à ses enfants et à sa femme ; à la fin on le met en croix, on l’enduit de poix et on le brûle tout vif ; et cet homme‑là serait plus heureux que s’il s’était échappé, avait conquis la tyrannie et, maître de sa ville, passait toute sa vie à satisfaire ses caprices, objet d’envie et d’admiration pour ses concitoyens et pour les étrangers ! C’est cela que tu donnes pour impossible à réfuter ?
XXIX. — C’est encore un épouvantail que tu me présentes, mon brave Polos ; ce n’est pas une réfutation, pas plus que tout à l’heure, quand tu produisais tes témoins. Quoi qu’il en soit, rafraîchis‑moi la mémoire sur un détail. Tu as bien dit : « Supposons qu’il veuille injustement s’emparer de la tyrannie ? »
Oui.
Cela étant, aucun des deux ne sera jamais plus heureux 473d-4