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61d ceux qui traitent du pair et de l’impair, mais ceux qui traitent du juste et de l’injuste, n’est‑ce pas ?

GORGIAS

Oui.

SOCRATE

Quand je t’ai entendu affirmer cela, j’ai cru, moi, que la rhétorique ne saurait jamais être une chose injuste, puisque ses discours roulent toujours sur la justice. Mais quand peu après tu as dit que l’orateur pouvait aussi faire de la rhétorique un usage injuste, cela m’a surpris, et, considérant le désaccord qui était dans tes discours, j’ai fait cette déclaration, que, si tu croyais comme moi qu’il est avantageux d’être réfuté, il valait la peine de continuer la discussion ; qu’autrement, il fallait la laisser tomber. Puis, après examen, tu vois toi-même que nous reconnaissons au contraire que l’orateur ne peut user injustement de la rhétorique ni consentir à être injuste. Où est la vérité là‑dedans ? Par le chien, Gorgias, nous aurons besoin d’une longue séance pour la discerner exactement.

POLOS

XVI. — Quoi donc, Socrate ? As‑tu réellement de la rhétorique l’opinion que tu viens d’exprimer ? T’imagines-­tu, parce que Gorgias, par pudeur, t’a concédé que l’orateur connaît le juste, le beau et le bien, en ajoutant que, si l’on venait à lui sans connaître ces choses, il les enseignerait lui-même, et parce qu’à la suite de cette concession, il en est résulté peut‑être quelque contradic­tion dans ses discours, ce dont tu t’applaudis après l’avoir engagé toi-même dans ces questions 13... Car qui peux‑tu croire qui avouera ne pas connaître lui-même le juste et ne pouvoir l’enseigner aux autres ? Il faut avoir bien mauvais goût pour amener la discussion sur un pareil terrain.

SOCRATE

O charmant Polos, c’est justement pour cela que nous voulons avoir des camarades et des enfants : c’est pour que, quand, devenus vieux, nous faisons un faux pas, vous, les jeunes, vous vous trouviez là pour nous redresser dans nos actes et dans nos discours. Ainsi à présent, si Gorgias et moi avons fait un faux pas en discutant, tu es là pour nous redresser. Tu le dois. Pour ma part, si tu trouves que nous avons eu tort de nous mettre d’accord sur tel ou tel point, je te promets d’y revenir à ta fantaisie, à condition que tu prennes garde à une chose.

POLOS

A quelle chose ?

SOCRATE

A restreindre, Polos, la prolixité dont tu voulais user au début.

POLOS

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