XIII. — 458c-459a Vous entendez vous‑mêmes, Gorgias et Socrate, le bruit que font ces messieurs, désireux de vous entendre parler. Pour moi, puissé‑je n’avoir jamais d’affaire si pressante qu’il me faille quitter de pareils entretiens et de tels interlocuteurs et trouver plus d’avantage à faire autre chose !
Par les dieux, Khairéphon, moi aussi, j’ai déjà assisté à bien des entretiens ; mais je ne sais pas si j’y ai jamais goûté autant de plaisir qu’à présent. Aussi, dussiez‑vous discuter tout le jour, moi, j’en serais charmé.
Eh bien, Calliclès, je n’y mets pour ma part aucun obstacle, si Gorgias y consent.
Il serait maintenant honteux pour moi, Socrate, de n’y pas consentir, quand j’ai déclaré moi-même que je répondrai à toutes les questions qu’on voudrait me poser. Si donc il plaît à la compagnie, reprends l’entretien et pose‑moi les questions que tu voudras.
Écoute donc, Gorgias, ce qui me surprend dans tes discours. Peut‑être avais‑tu raison et t’ai-je mal compris. Tu es capable, dis‑tu, de former un orateur, si l’on veut suivre tes leçons ?
Oui.
Et de le rendre propre, quel que soit le sujet, à gagner la foule, non en l’instruisant, mais en la persuadant
Parfaitement.
Tu disais tout à l’heure que, même en ce qui regarde la santé, l’orateur est plus habile à persuader que le médecin.
Oui, au moins devant la foule.
Devant la foule, c’est‑à‑dire devant ceux qui ne savent pas ; car, devant ceux qui savent, l’orateur sera certainement moins persuasif que le médecin.