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AXIOCHOS

368Et au sujet d’Amphiaraos, que dit-il ?

Zeus qui tient l’égide l’aimait de tout son cœur et Apollon
De toute sa tendresse. Aussi n’a-t-il pas atteint le seuil de la vieillesse[1].

Et celui qui nous demande

de plaindre le nouveau-né qui vient pour tant de maux[2],

qu’en penses-tu ? Mais je cesse, pour ne pas manquer à ma promesse et ne pas allonger par d’autres réminiscences. De quelle vie, de quel métier ne se plaint-on pas après l’avoir choisi, et qui n’est pas mécontent de son sort ? Allons auprès des ouvriers et des manœuvres bqui peinent d’une nuit à l’autre et se procurent difficilement le nécessaire, que de lamentations ! comme ils remplissent leurs veilles de gémissements et de larmes ! Considérons le marin qui vogue à travers tant de dangers et qui n’est, suivant le mot de Bias[3], ni parmi les morts, ni parmi les vivants : car l’homme fait pour la terre se lance sur la mer ccomme un amphibie et devient tout entier la proie du sort. Mais l’agriculture, voilà qui est agréable ! Sans doute. Pourtant, ne dit-on pas : ce n’est qu’une plaie, et n’y a-t-il pas toujours quelque prétexte de chagrin ? On se plaint tantôt de la sécheresse, tantôt de l’abondance de la pluie, tantôt de brûlure, tantôt de la nielle, tantôt de la chaleur inopportune ou du froid. Et la

  1. Odyssée, XV, 245-246.
  2. Euripide, Cresphonte, pièce dont il ne reste que des fragments. Le passage d’où ce vers est tiré se trouve dans Euripidis Fragmenta, édit. Didot, p. 728, X. Cicéron l’a traduit : « Qua est sententia in Cresphonte usus Euripides :

    Nam nos decebat, coetus celebrantes, domum
    Lugere, ubi esset aliquis in lucem editus,
    Humanae uitae uaria reputantes mala.
    At qui labores morte finisset graues
    Hune omni amicos laude et laetitia exsequi.
     »

    Et il ajoute : « Simile quiddam est in Consolatione Crantoris » (Tuscul. I, 48).

  3. Bias est un des sept sages de la Grèce. Son nom se trouve sur toutes les listes, et, avec Thalès, Pittacos et Solon, il est un des ὡμολογημένοι σοφοί. Les mots qu’on lui attribue sont, la plupart, des proverbes populaires dont il n’était pas l’auteur. Quelques-uns doivent être certainement restitués à Bion (Cf. Crusius, art. Bias, in Pauly-Wissowa, 31, 383-389).