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ÉRYXIAS

puisque nous ne parvenons pas à nous mettre d’accord sur le fait de reconnaître si choses utiles et richesses se confondent. Mais que dirons-nous de ceci ? Jugerons-nous l’homme plus heureux et meilleur s’il a une foule de besoins concernant le corps et son régime de vie, ou s’il en a très peu et d’insignifiants ? Mais peut-être pourrions-nous considérer plutôt la chose sous un autre aspect, en comparant l’homme avec lui-même et en nous demandant quel est pour lui l’état le meilleur, celui de santé ou celui de maladie ? » — d« Voilà, répondit-il, qui ne réclame pas un long examen ». — « Sans doute, repris-je, tout le monde comprend facilement que l’état de santé est meilleur que l’état de maladie. Mais quand donc avons-nous le plus de besoins et des plus variés ? Quand nous sommes malades ou quand nous sommes en bonne santé ? » — « Quand nous sommes malades ». — « Par conséquent, c’est lorsque nous nous trouvons dans l’état le plus pitoyable que le plus vivement eet le plus fréquemment, les plaisirs du corps provoquent nos désirs et nos besoins[1] ? » — « Il en est ainsi ». — « Et pour la même raison, comme un homme paraît être dans le meilleur état lorsqu’il se trouve le moins agité de pareils besoins, ainsi quand il s’agit de deux individus dont l’un est torturé par la multiplicité de ses désirs et de ses appétits, l’autre fort peu inquiété et calme ? Par exemple : tous ceux qui jouent, et ceux qui boivent, et ceux qui sont gloutons, — car tout cela n’est pas autre chose que passions ». — « Absolument ». — « Et toutes les passions ne sont pas autre chose que des besoins. Donc les gens qui en éprouvent le plus, sont dans une situation bien plus pénible que ceux qui n’en éprouvent aucune

  1. Cette thèse est développée par Platon dans Philèbe, 44 e, 45 a, b, c : c’est dans l’état de maladie que l’on éprouve les désirs les plus vifs, les plus intenses et ces désirs cherchent leur assouvissement dans les plaisirs corporels : Ἀλλ’οὐχ οἱ πυρέττοντες καὶ ἐν τοιούτοις νοσήμασιν ἐχόμενοι μᾶλλον διψῶσι καὶ ῥιγοῦσι καὶ πάντα ὅπόσα διὰ τοῦ σώματος εἰώθασι πάσχειν, μᾶλλόν τ’ἐνδείᾳ συγγίγνονται καὶ ἀποπληρουμένων μείζους ἡδονὰς ἴσχουσι… (45 b). Voir aussi Gorgias, 493-495. — De même à la fin du chap. 1 de l’Économique, qui a servi de modèle à l’auteur d’Éryxias, Xénophon décrit la vie malheureuse de ceux qui sont asservis par les passions (cf. I, 17-fin) : plusieurs expressions rappellent celles du dialogue.