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NOTICE

aider au contraire ses amis, il ne parle pas le langage d’un sage, car il ne dit pas la vérité. Jamais, comme il nous a apparu, il n’est juste de nuire à qui que ce soit » (335 e).

Ce n’est donc pas une doctrine platonicienne que contredit l’auteur de Clitophon. Mais pareille théorie se retrouve au contraire dans les Mémorables (IV, 2, 13 et suiv.). Le Socrate de Xénophon, dans son entretien avec Euthydème, suppose admise comme une vérité incontestable la proposition condamnée aussi bien par le petit dialogue que par la République, et c’est lui qu’atteignent directement les critiques des deux écrits platoniciens.

De ces textes, nous croyons pouvoir dégager les conclusions suivantes : 1o on ne peut établir une divergence de points de vue entre l’auteur du Clitophon et Platon lui-même. Tous deux blâment certaines notions de la justice que nous rencontrons dans les Mémorables et qui avaient cours, sans doute, dans des milieux socratiques étrangers ou hostiles au platonisme ; 2o les différentes critiques sont exprimées ici et là sous des formes assez diverses pour exclure l’hypothèse d’une imitation servile. Cette dernière remarque nous amène à préciser le genre du dialogue et à montrer ses rapports avec d’autres œuvres platoniciennes.


Clitophon
et la Sophistique.

Le Clitophon, on s’en rend compte aisément, est un pamphlet. Mais il importe de remarquer que le censeur de Socrate, quand il reproduit les discours du philosophe, s’exprime dans la langue pompeuse et recherchée de la rhétorique contemporaine. On a le sentiment d’être en présence d’un pastiche, d’un délicieux pastiche du reste et même d’une charge, où l’auteur se moque agréablement d’un genre littéraire en vogue à son époque. S’il imite, c’est moins Platon que les sophistes de son temps. Brünnecke a très justement noté le gorgianisme des discours protreptiques prêtés à Socrate : antithèses, paronomases, chiasmes… tous les artifices de la rhétorique ampoulée sont accumulés ici très habilement, de façon à produire chez le lecteur cette impression d’emphase fleurie et creuse dont les développements xénophontiques ne sont pas toujours exempts[1]. Mais une aussi fine raillerie

  1. Voir des exemples de gorgianisme dans l’article cité de Brünnecke, p. 469 et suiv.