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CLITOPHON

tion de la justice visait-elle une formule ou des formules en vogue dans d’autres milieux. Provenaient-elles du vrai Socrate ? Ce n’est pas impossible. En tout cas, reprises par Platon et interprétées par lui philosophiquement, elles n’avaient fourni, au contraire, aux sophistes et aux rhéteurs que thèmes à déclamations. Il se pourrait que l’auteur du Clitophon protestât contre l’abus de ces formules. Un passage des Mémorables (IV, 4-13 et suiv.) confirmerait notre hypothèse. On y devine, en effet, la trace de ces dissertations. Socrate discute sur la justice avec Hippias et il assimile cette vertu à la légalité. Νόμιμον et δίκαιον sont identiques. Or, rien n’est meilleur que la légalité ou la justice, c’est-à-dire l’obéissance aux lois. Par elle, les hommes sont heureux et les cités sont prospères. Pourquoi ? C’est que, grâce à l’obéissance aux lois, les États vivent dans la paix, et le plus grand des biens est l’ὁμόνοια[1]. La concorde est donc l’œuvre propre de la justice. Et pour vanter les bienfaits de cette vertu, le Socrate de Xénophon utilise des amplifications oratoires qui rappellent les discours creux et faciles du Socrate de Clitophon. Voilà bien un type de définition qui ne rappelle en rien la définition platonicienne.

3o Clitophon (410 a b). — Interrogé, Socrate finit par répondre que la justice consiste à nuire à ses ennemis, à faire du bien à ses amis. Mais la suite de la discussion amène à conclure que l’homme juste ne nuit à personne, ni jamais, mais, au contraire, agit pour l’utilité de tous. Ainsi, la notion de justice reste finalement inexpliquée.

République I, 332 d-336. — Polémarque interprète dans le même sens que le Socrate de Clitophon un mot de Simonide, à propos de la justice. Suivant le poète, le propre de la justice est de rendre à chacun ce qu’on lui doit, c’est-à-dire du mal aux ennemis, du bien aux amis. Mais le Socrate platonicien proteste contre une semblable assertion, et, grâce à une dialectique serrée, il parvient à faire avouer à son interlocuteur que le propre de l’homme juste est de ne porter tort ni à son ennemi, ni à qui que ce soit, et que c’est là, au contraire, le fait de l’homme injuste. « Si donc quelqu’un prétend que la justice consiste à rendre à chacun ce qu’on lui doit, et si par là, il entend que l’homme juste doit nuire à son ennemi,

  1. Voir loc. cit. no 16.