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THÉAGÈS

valeur. Or, après l’avoir fréquenté, en très peu de temps, ils paraissaient surpasser ceux qui leur étaient auparavant supérieurs.

Socrate. — Sais-tu donc ce que cela signifie, fils de-Démodocos ?

Théagès. — Oui, par Zeus, je sais que, si tu voulais, moi aussi je serais capable de devenir semblable à eux.


IV. Le signe
démonique.

dSocrate. — Non, mon bon, tu n’as pas saisi ce qui en était. Je vais te le dire. Il y a en moi, par la faveur des dieux, un phénomène divin qui m’accompagne et qui a commencé dès mon enfance. C’est une voix qui, lorsqu’elle se manifeste, me signifie toujours de me détourner de l’action que je vais accomplir ; jamais elle ne me pousse. Si, lorsqu’un de mes amis me communique quelque projet, la voix se manifeste, c’est la même chose ; elle me détourne et m’interdit d’agir. De ces faits, je vous fournirai des témoins. Charmide, vous le connaissez, le beau Charmide, ele fils de Glaucon : voilà qu’un jour il me confie qu’il doit aller s’exercer dans le stade à Némée[1]. À peine commençait-il à me parler de ce projet d’exercice que la voix se manifeste. Et moi, je le dissuade en lui disant : « Tandis que tu parlais, ma voix, ma voix divine s’est manifestée ; renonce donc à cet exercice ». — « Peut-être, répondit-il, te signifie-t-elle que je ne vaincrai pas. Mais même si je ne dois pas vaincre, j’aurai, au moins, gagné de m’être exercé pendant ce temps-là ». Il s’exprima ainsi et prit part à l’exercice. Il vaut la peine de lui demander quel en fut pour lui le résultat. 129Si vous voulez, interrogez le frère de Timarque[2], Clitomaque ; qu’il vous répète ce que lui dit Timarque, quand il allait tout droit[3] à la mort, lui et Évathlos, le célèbre coureur qui recueillit Timarque fugitif. Il vous dira qu’il lui parla ainsi.

  1. Il s’agit, sans doute, d’un concours aux jeux néméens, qui avaient lieu tous les deux ans dans la vallée de Némée et comprenaient un certain nombre d’exercices gymniques et hippiques, entre autres la course (στάδιον).
  2. Nous ne pouvons identifier les différents personnages dont il est question dans ce passage, ni déterminer l’événement auquel il est fait allusion. On n’en trouve point de trace chez les historiens anciens.
  3. Les lexiques (v. g. Ast), donnent ici au mot εὐθύ le sens de