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NOTICE

effet, bien difficile de rendre le même écrivain responsable de portraits aussi disparates de Socrate, et la conception du « daimonion », telle que l’expose le Théagès, diffère par trop de celle des autres dialogues pour croire à l’unité d’auteur[1].

Il nous reste donc à faire ressortir les procédés de rédaction du dialogiste et à essayer de déterminer où fut composé cet écrit.

Le livre VI de la République pourrait bien avoir suggéré la première idée du sujet, des personnages, de l’épisode principal. Là, Platon rappelle l’exemple de Théagès, un disciple de Socrate, à propos du petit nombre de vrais philosophes. Ces derniers sont rares. Ce sont quelques esprits distingués que l’éducation a perfectionnés et qui, retirés dans la solitude, doivent leur persévérance dans l’étude de la sagesse au soin qu’ils ont pris de s’éloigner des corrupteurs ; ce sont encore quelques grandes âmes, vivant dans de petits États et qui méprisent les charges publiques ou toute autre profession, pour se consacrer à la philosophie. « D’autres, enfin, sont arrêtés par le même frein qui retient notre ami Théagès. Tout ce qui peut détourner de la philosophie semble avoir conspiré contre lui ; mais ses maladies continuelles l’empêchent de se mêler des affaires et l’obligent à philosopher » (496 b-c). Et aussitôt après, Socrate fait mention du signe démonique : « Pour ma part, il ne me convient guère de parler de ce signe démonique. À peine trouverait-on un autre cas semblable dans le passé » (496 c). Il n’est pas impossible que la lecture de ce passage et le rapprochement entre l’exemple de Théagès et l’exemple du « daimonion », ait fourni à notre dialogiste le thème à développer[2].

L’auteur a utilisé la plupart des textes où Platon signale les interventions de la « voix démonique », mais il a mis surtout à contribution trois œuvres : l’Apologie, Alcibiade I, Théétète.

Nous avons déjà dit comment, à propos du « daimonion »,

    Knebel, Plat. dialogi tres… 1833, p. 7 et suiv., en Allemagne ; Grote, en Angleterre ; Waddington, en France.

  1. D’après C. Ritter, Untersuchungen über Plato, p. 94, Théagès s’accorde linguistiquement avec les premiers dialogues de Platon, sauf sur un point. Le datif ionien εὐχαῖσι employé à 131 a est caractéristique d’un style platonicien plus tardif.
  2. Théagès est encore cité dans l’Apologie, 33 e, mais on en parle comme de quelqu’un qui n’existe plus. Son frère Paralos est mentionné comme disciple de Socrate.