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NOTICE

anecdotes dans le de Genio Socratis de Plutarque, mais il est inutile d’insister[1]. Signalons seulement la prophétie concernant l’expédition de Sicile, relatée par Plutarque et par l’auteur de Théagès[2]. C’est le seul récit qui soit commun au dialogue et à d’autres sources, encore existantes, relatives au « daimonion » de Socrate.

En tout cas, on se rend aisément compte du milieu où le Théagès a été composé. Le Socrate qu’on nous dépeint ici rappelle, sans doute, le Socrate platonicien : le dialogue Théétète a été amplement utilisé, comme nous le montrerons plus loin. Mais l’imitateur a surtout retenu le côté merveilleux, étrange même du caractère socratique et il l’a exagéré. Le héros du Théagès possède la faculté divinatoire que lui reconnaît Xénophon et en fournit la preuve par une série de faits prodigieux dont son « daimonion » est l’acteur principal et lui-même l’instrument[3]. Mieux encore : de lui s’échappe comme une sorte de vertu, et le seul contact physique de sa personne suffit à communiquer la sagesse. Aristide, fils de Lysimaque, lui avouait un jour : « Je vais te dire Socrate, une chose incroyable, par les dieux, mais pourtant vraie. De toi, je n’ai jamais rien appris, tu ne l’ignores pas. Néanmoins, je progressais quand je me trouvais dans ta compagnie, même si seulement j’étais dans la même maison, sans être dans la même chambre, mais bien plus, si j’étais dans la même chambre, et j’avais l’impression que c’était beaucoup plus encore, lorsqu’étant dans la même chambre que toi, tandis que tu parlais, je te regardais, bien plus que lorsque je portais ailleurs mes regards ; mais là où mes progrès devenaient le plus considérables, c’était quand, assis auprès de toi, je me tenais bien près et pouvais te toucher…[4] »

  1. Voir, par exemple, l’anecdote du devin Euthyphron, ch. 10. — Maxime de Tyr, dans ses deux dissertations sur le δαιμόνιον Σωκράτους (XIV et XV) suit la tradition xénophontique, mais les histoires qu’il rapporte sont uniquement celles que l’on trouve chez Xénophon et chez Platon.
  2. Plutarque, De Genio Socratis, ii ; Théagès, 129 c d.
  3. Anecdotes de Charmide, 128 d e ; de Timarque, 129 a b c ; de l’expédition de Sicile et d’Ionie, 129 d.
  4. Théagès, 130 d. — Ce texte pourrait être une imitation du Banquet 176 d. Mais ce qui est ici exprimé ironiquement, ou sous forme de symbole, est pris à la lettre dans Théagès.