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NOTICE

du Portique. Définir la loi, l’œuvre d’un homme sage et prudent, n’est-ce pas reproduire le thème stoïcien : ὁ σοφὸς μόνος βασιλεύς ?

Cet argument ne nous paraît pas suffisant. L’exposé de Minos se rattache de façon beaucoup plus étroite à la théorie platonicienne du roi-philosophe. Le roi de Crète est, en effet, le type de ce chef d’État législateur dont Platon, dans la République, souhaitait l’avènement. Le livre III des Lois prône également la sagesse comme la marque la plus juste et la plus excellente d’une âme digne de commander (690 b).

Les Stoïciens, pourrait-on encore alléguer, opposaient volontiers entre elles les différentes législations ; ils aimaient à faire ressortir les différences de coutumes et de mœurs. Un texte de Cicéron nous apprend que Chrysippe collationnait les nombreux témoignages où se révélaient ces divergences[1], tout comme l’auteur de Minos accumule les faits qui démontrent cette étrange diversité (315 b, c, d). Mais bien avant les Stoïciens, on se plaisait déjà à étaler les plus saisissants contrastes dans l’infinie variété des institutions et des mœurs. Hérodote met en parallèle ces coutumes bigarrées qui, chez certains peuples, passent pour un bien, chez d’autres pour un mal[2]. Et les sophistes apportaient triomphalement ces preuves à l’appui de leur thèse que νόμος s’oppose à φύσις : « Si l’on ordonnait à tous les hommes de réunir tous les usages qu’ils tiennent pour bons et nobles, ensuite de choisir ceux qu’ils considèrent comme mauvais et honteux, il ne resterait rien : tout serait distribué entre tous[3] ». Ainsi

  1. Cicéron, Tusculanes, disp. I, 45, 108. Sed quid singulorum opiniones animaduertam, nationum uarios errores perspicere cum liceat ? Condiunt Aegyptii mortuos et eos seruant domi, Persae etiam cera circumlitos condunt, ut quam maxime permaneant diuturna corpora. Magorum mos est, non humare corpora suorum, nisi a feris sint ante laniata. In Hyrcania plebs publicos alit canes, optimates domesticos (nobile autem genus canum illud scimus esse) sed pro sua quisque facultate parat, a quibus lanietur, eamque optimam illiesse censent sepulturam. Permulta alia colligit Chrysippus, ut est in omni historia curiosus, sed ita tetra sunt quaedam, ut ea fugiat et reformidet oratio (cf. von Arnim, Stoicorum ueterum frag. III, no 322).
  2. Hérodote, III, 38.
  3. Δισσοὶ λόγοι, Diels II, 83, 2. Voir toute la dissertation περὶ καλοΰ και αἰσχροῦ.