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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

Le disciple. — Ils m’en ont l’air.

Socrate. — Et le gain, nous l’avons reconnu comme un bien ?

Le disciple. — Oui.

Socrate. — Voilà maintenant que, de cette sorte, tous les hommes nous apparaissent cupides ; mais de la façon que nous disions précédemment, personne ne l’était[1]. Auquel de ces deux points de vue faut-il se tenir pour ne pas se tromper ?


Troisième
définition.

Le disciple. — Je crois, Socrate, qu’il faut comprendre exactement ce qu’est l’homme cupide. Or, il est exact de juger cupide dcelui qui met toute son ardeur à escompter un gain de choses où d’honnêtes gens n’oseraient point en faire.

Socrate. — Mais tu vois bien, mon très doux ami, que faire un gain, nous l’avons reconnu tout à l’heure, c’est retirer un avantage.

Le disciple. — Et alors ?

Socrate. — C’est que nous avons reconnu, en outre, que tout le monde désire les biens et toujours.

Le disciple. — Oui.

Socrate. — Par conséquent, les honnêtes gens désirent réaliser toute sorte de gains, du moment que ce sont des biens.

eLe disciple. — Mais non pas cependant, Socrate, ces gains dont ils devraient subir un dommage.

Socrate. — Appelles-tu subir un dommage éprouver une perte, ou y vois-tu autre chose ?

Le disciple. — Non, mais je l’appelle éprouver une perte.

Socrate. — Est-ce donc par le gain que les hommes éprouvent une perte, ou par la perte ?

Le disciple. — Par les deux, car on perd et par la perte et par le mauvais gain.

Socrate. — Mais crois-tu qu’une chose utile et bonne soit mauvaise ?

Le disciple. — Non certes.

  1. D’après le raisonnement précédent qui se conclut à 226 d, on ne peut appeler cupide celui qui pense faire un gain avec ce qui n’a aucune valeur, car nul homme, s’il n’est un sot, ne peut s’imaginer tirer profit de ce qu’il sait ne rien valoir.