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HIPPARQUE OU L’HOMME CUPIDE

[éthique.]


SOCRATE, LE DISCIPLE

Première
définition de
l’homme cupide.

225Socrate. — Qu’est-ce donc que la cupidité ? Qu’est-ce enfin que les gens cupides et qui sont-ils ?

Le disciple. — Ce sont, me semble-t-il, ceux qui pensent tirer profit de ce qui n’a aucune valeur[1].

Socrate. — Et te semble-t-il aussi qu’ils le savent nullement estimable, ou l’ignorent-ils ? Car, s’ils l’ignorent, ce sont des sots que tu appelles cupides.

Le disciple. — Je ne dis certes pas des sots, mais des rusés, des coquins, des gens qui se laissent vaincre par le gain : bils savent parfaitement que les objets dont ils ont le front de tirer profit n’ont aucune valeur, et néanmoins ils sont effrontément cupides.

Socrate. — Voudrais-tu dire que l’homme cupide est un peu comme l’agriculteur qui planterait et qui, tout en sachant que son plant ne vaut rien, compterait en tirer profit une fois grandi ? Prétends-tu qu’il soit ainsi ?

Le disciple. — C’est de tout, Socrate, que l’homme cupide croit devoir tirer profit.

Socrate. — Ne réponds pas ainsi au petit bonheur, comme si on t’avait fait quelque tort, cmais sois attentif, et

  1. On pourrait traduire, mais d’une façon moins claire : « ceux qui estiment tirer profit de ce qui n’est nullement estimable ». On ferait mieux sentir ainsi le jeu de mots voulu par le disciple qui rapproche les termes ἄξιος et ἀξιοῦν. Le jeu de mots revient plusieurs